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Comment une banque française a fait main basse sur Haïti

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La seconde moitié du 19e siècle aurait dû constituer une opportunité immense pour Haïti. La demande mondiale de café, dont la production structure l’économie locale, est alors florissante.

De l’autre côté de la mer des Caraïbes, le Costa Rica profite des richesses tirées du café pour construire des écoles, des systèmes d’égouts et le premier réseau municipal d’éclairage électrique d’Amérique Latine.

Haïti, en revanche, reverse le gros de son impôt sur le café à la France, d’abord à ses anciens esclavagistes, puis au CIC.

Grâce aux prix élevés du café, Haïti demeure malgré tout une économie caribéenne de taille moyenne. Mais lorsque le marché s’effondre dans les années 1890, les impôts haïtiens sur le café dépassent alors le prix de la denrée elle-même. Tout le modèle économique du pays se retrouve au bord du gouffre.

Il est donc temps pour un nouveau prêt : 50 millions de francs (environ 310 millions de dollars aujourd’hui), sont obtenus via la Banque Nationale en 1896. Le prêt est une nouvelle fois garanti par l’impôt sur le café, la source de revenus la plus fiable du pays.

Les Haïtiens sont alors pauvres depuis des générations. Mais c’est à ce moment-là, lorsque le pays se retrouve sous perfusion du café, du CIC et de la Banque Nationale, qu’Haïti entame un déclin rapide par rapport au reste de la région, selon les recherches de l’économiste britannique Victor Bulmer-Thomas, spécialiste de l’histoire des Caraïbes.

“Haïti a fait beaucoup d’erreurs”, explique-t-il, comme le fait de contracter de nouvelles dettes et d’échouer à diversifier son économie. “Mais il n’y a aucun doute sur le fait qu’à partir de la fin du 19e siècle, beaucoup de ses problèmes peuvent être attribués à ces puissances coloniales.”

Henri Durrieu décède en 1890, avant que la banque qu’il a créée ne s’effondre.

En 1903, les autorités haïtiennes commencent à accuser la Banque Nationale de surfacturation frauduleuse, de faire payer double des intérêts et de travailler au détriment de l’intérêt supérieur du pays. Mais la banque leur rappelle un détail important : elle est une société enregistrée en France, et considère donc que des tribunaux haïtiens ne peuvent juger de tels litiges.

Sans se décourager, M. Marcelin persuade le parlement de reprendre le contrôle du Trésor public. Haïti gagne enfin le droit d’imprimer sa propre monnaie, et de payer ses propres factures.

Mais des documents trouvés aux Archives diplomatiques françaises montrent que la Banque Nationale peut alors compter sur un puissant allié : le gouvernement français.

En janvier 1908, le représentant de la France en Haïti, Pierre Carteron, rencontre M. Marcelin et le presse de normaliser ses relations avec la banque. M. Marcelin refuse. Il faudrait que la banque contribue au développement économique d’Haïti, si tant est qu’elle survive, répond-t-il.

Cela pourrait se faire, réplique M. Carteron. Évidemment, ajoute-t-il, Haïti devrait alors rendre à la France le contrôle de son Trésor public. D’ailleurs, “vous avez besoin d’argent”, avance M. Carteron, selon ses propres notes. “Où en trouverez-vous ?”

Les doutes de M. Carteron quant à un accord avec M. Marcelin sont évidents à la lecture de ses notes manuscrites. Il encourage donc ses collègues à Paris à concevoir une autre stratégie.

“Il importera à un haut degré qu’on étudie immédiatement les moyens de reconstituer un établissement de crédit français à Port-au-Prince”, écrit-il avant d’ajouter : “Sans attache désormais avec le gouvernement haïtien.”

Cette nouvelle institution ouvrira ses portes en 1910, avec un léger changement de nom : elle s’appellera désormais la Banque Nationale de la République d’Haïti. Des banques françaises y possèdent toujours des actions mais, trente ans après avoir mis un pied en Haïti, le CIC n’en fait plus partie.

Le centre de gravité de la finance mondiale a alors changé : il se trouve désormais à Wall Street, autour d’un groupe de banquiers américains ambitieux de la National City Bank de New York, l’ancêtre de Citigroup.

Les financiers américains vont poursuivre la stratégie de M. Durrieu. Leur ascension au rang de puissance dominante en Haïti va pourtant mener à une conséquence encore plus dévastatrice que la dette écrasante en partie engendrée par M. Durrieu.

Wall Street finit par se servir d’une arme bien plus puissante que les menaces indirectes d’un diplomate français. Les banquiers américains font appel à leurs amis à Washington et, 35 ans après la création de la Banque Nationale par M. Durrieu, les États-Unis envahissent Haïti.

Au cours de l’une des plus longues occupations militaires de l’histoire américaine, les États-Unis prennent le contrôle des finances d’Haïti, modelant ainsi son futur pour plusieurs décennies.

Une fois de plus, le pays a été ébranlé par l’institution que le président Salomon avait si fièrement célébrée lors de cette nuit au palais présidentiel : la Banque Nationale d’Haïti.

Ont contribué à cet articleDaphné Anglès et Claire Khelfaoui à Paris; Sarah Hurtes et Milan Schreuer à Bruxelles; Kristen Bayrakdarian à New York; Ricardo Lambert, Harold Isaac et Charles Archin à Port-au-Prince.

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